Réviser la température de base – NF P52-612 : une nécessité ?

Publié par David Mercereau le

Définie dans la norme NF P52-612/CN, elle sert de fondement à la méthode de calcul des déperditions thermiques dans les bâtiments. Pourtant, son origine, sa méthode de calcul, et même sa pertinence actuelle posent aujourd’hui de nombreuses questions. L’AFPMA, avec David Mercereau, s’est saisie de ce sujet pour investiguer et interpeller les institutions concernées.

Pourquoi remettre en question cette norme ?

Trois constats majeurs nous ont conduit à investiguer :

  1. Une norme figée dans le temps
    La dernière version de la NF P52-612/CN date de 2010. Or, les données climatiques ont sensiblement évolué ces quinze dernières années. Utiliser des températures de base non actualisées revient à ignorer l’impact du changement climatique sur les hivers français.
  2. Des températures peu transparentes
    La norme donne des valeurs par département, assorties de corrections altimétriques, mais sans en expliciter l’origine. Ni la méthode de calcul, ni les données météorologiques utilisées ne sont détaillées. Cette opacité a été confrontée avec l’AFNOR, le CSTB, le Costic, et même… le département « Data Science » de Météo France, qui ne se reconnaît pas dans ces données.
  3. Un risque de surdimensionnement
    Notre étude montre qu’en moyenne, les températures de base de la norme surestiment le besoin de chauffage de 12 à 15 % en moyenne. Cela peut entraîner un surdimensionnement coûteux et inutile, en particulier pour les appareils de chauffage (pas uniquement pour les poêles de masse).

Une enquête collective

Depuis 2024, l’AFPMA emmenée par le travail de fond de David Mercerau a réalisé une enquête :

  • Lecture croisée des normes (NF P52-612, NF EN 12831-1…),
  • Contact avec leurs rédacteurs, retraités pour la plupart ou n’ayant aucune connaissance de la méthode ou de la source de ces données,
  • Échanges avec le Costic, l’AFNOR, Météo France, l’ADEME, le CSTB,
  • Comparaison de données avec le jeu Copernicus ERA5 (données météo européennes),
  • Recherches de normes équivalentes à l’étranger, notamment en Allemagne (DIN 12831).

À ce jour, aucune méthodologie officielle n’a pu être identifiée. Même le Costic, représenté par son directeur Serge HAOUIZEE, pourtant impliqué dans l’élaboration de la norme, a lancé sans succès plusieurs recherches sur le sujet.

Une tentative de rétro-ingénierie

Face à ce flou, l’AFPMA a tenté d’inverser la logique : plutôt que de chercher la source, nous avons tenté de reconstituer la méthode à partir des résultats de la norme. En utilisant différentes recettes statistiques (moyenne sur 3 ou 5 jours les plus froids, sur 20 ou 30 ans), nous avons comparé nos résultats aux données officielles. Aucune méthode testée ne permet de retrouver les températures de la norme, avec un écart moyen de l’ordre de 2,7 °C.

Les résultats détaillés de cette étude sont disponibles ici :
https://framagit.org/kepon/choisirsonpdm/-/blob/main/doc/baseTemperatureComparatif.md

Impact de la non mise à jour de la norme depuis 2010

Depuis sa dernière révision en 2010, la norme NF P52-612/CN n’a pas été actualisée, malgré l’évolution notable des conditions climatiques. Une analyse comparative menée sur des jeux de données météorologiques historiques (issus de Copernicus) montre qu’en moyenne, les températures hivernales les plus froides ont augmenté d’environ +0,8 °C sur la période 2010–2025. Cette hausse varie selon les régions, atteignant parfois +1,9 °C, ce qui reflète le réchauffement global. Concrètement, cela signifie que la température de base actuellement utilisée dans les calculs réglementaires est systématiquement plus basse que la réalité contemporaine. Résultat : une surdimension de puissance de chauffage estimée entre 5 et 10 %, uniquement imputable à ce retard de mise à jour. Ce biais s’ajoute à d’autres incertitudes déjà identifiées dans la norme, amplifiant encore le risque d’installer des systèmes surdimensionnés, plus coûteux, plus gourmands en ressources et parfois inadaptés aux usages réels. Il apparaît donc nécessaire de réviser ces valeurs à la lumière des données climatiques actuelles pour une conception thermique plus sobre, plus juste et en adéquation avec notre époque.

Et maintenant ?

Nous avons partagé cette enquête avec les principaux acteurs concernés (AFNOR, Costic, Météo France…) afin de susciter une révision de la norme ou, à tout le moins, une clarification sur ses fondements.

Nous appelons à :

  • une mise à jour des températures de base sur des données météo récentes (p. ex. Copernicus, RE2020),
  • une transparence sur la méthode de calcul,
  • une approche différenciée pour les systèmes à forte inertie comme les poêles de masse.

Un logiciel API ouvert pour tous

Dans une démarche constructive, nous avons mis à disposition un logiciel (API) libre proposant une température de base alternative fondée sur des données ouvertes (basées sur Copernicus), exploitables dans les logiciels de calcul ou les démarches pédagogiques :